ZENDEGI: By Esmaël Bahrani
« This exhibition is an homage to those who said no to life imposed by the Iranian regime of the Islamic Republic. »
#Zendegi
Esmaël Bahrani
TEXTE by Nada Majdoub, associate curator at Institut du monde arabe, Paris
Cette exposition est un hommage à ceux qui ont dit non à la vie forcée par le régime Iranien de la République Islamique.
Le mot zendegi qui donne son titre à cette exposition signifie “vie” en farsi. En choisissant ce mot en langue persane, Esmaël Bahrani nous propose de passer par une inévitable traduction pour entrer dans l’espace. Il s’agit évidemment d’invoquer l’Iran au vu de la révolution actuelle que connaît le pays et qui fonde un avenir soutenu par l’espoir mais menacé par l'extrême violence du régime iranien. Pourtant pour Esmaël Bahrani il est autant difficile de ne pas parler de l’Iran en ce moment qu’il serait difficile de tendre un lien direct et sans ambiguïté entre son travail et son pays d’origine. Nous en parlons aujourd'hui car il est important de le faire partout et avec vigueur, mais les réponses qu’offre le travail d’Esmaël Bahrani se déclinent dans des formes moins convenues, et traitent de la vie avant tout, ainsi que de la puissance de l’instant.
Il ne s’agit pas seulement d’une tentative de traduire des morceaux de la vie telle qu’elle est ressentie ou vécue sur une toile, mais d’avoir cette habileté douce et folle à la fois d’en proposer une forme, des formes, traductibles par chacun. En ce sens, les figures énigmatiques, les spectres jetés sur le canevas par Esmaël Bahrani pour qu’ils continuent par la suite de vivre leur vie, sont des indicateurs de ce qui se passe en lui tout autant que de ce qui se passe en nous et autour de nous. Telles des formes de vie autonomes, elles fondent leurs propres mondes, sans que la référence à un territoire prédéfini ne soit conclusive pour les approcher sincèrement. Ce qui compte avant tout c’est l’instant, vecteur puissant du processus de création de l’artiste et fondement de nos interprétations.
Esmaël Bahrani se meut d’ailleurs entre les territoires avec une très grande agilité. Peut-être se meut-il, en son sens, dans des mondes dont seul lui a les clés. L’Iran de son enfance, ou l’Iran vu depuis la distance de l’exil. Les échos de son pays natal malmenés par la traduction médiatique, et ceux ténus et fragiles transmis par les conversations avec ses proches restés là-bas. Entre tous ses points de vie, la position que choisit Esmaël Bahrani est d’exercer la peinture dans le moment présent et décisif, la “peinture-action” comme il aime à rappeler comme pour nous faire comprendre que quelque chose dans son geste se déjoue d’un certain statu-quo. A tel point qu’il serait presque impossible de rattacher son œuvre à un lieu en particulier, tout autant qu’à un état bien circonscrit. La manière dont il se dérobe de toute narration attendue nous invite à passer de la question “où loger l’Iran dans son travail” à “où loger la vie des ses toiles”. L’élucidation de cette question ouvre peut-être la voie à des interprétations plus libres et inventives, sans jamais perdre de son efficacité politique, car parler ainsi de la vie de tous les humains est une manière redoutable de replacer l’Iran dans la vie.
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#Zendegi
Esmaël Bahrani
TEXTE by Nada Majdoub, associate curator at Institut du monde arabe, Paris
This exhibition is an homage to those who said no to life imposed by the Iranian regime of the Islamic Republic.
The word zendegi, which gives its title to this exhibition, means "life" in Farsi. By choosing to use a word in the Persian language, Esmaël Bahrani suggests that we go through an inevitable translation to enter the space. It is evidently essentiel to invoke Iran in the context of the current revolution that the country is witnessing, and which is the basis of a future sustained by hope but threatened by the extreme violence of the Iranian regime. Yet for Esmaël Bahrani it is as difficult not to talk about Iran at the moment as it would be to make a direct and unambiguous link between his work and his country of origin. Today we chose to talk about Iran because it is important to do so everywhere and with vigour. Nevertheless, the contributions offered by Bahranis’s work do not take the shape of a direct comment on a political situation, and deal with life above all, as well as the power of the moment.
In these works, it is not only an attempt to translate pieces of life as it is felt or experienced on a canvas, but to have this both gentle and wild agility to propose forms of it, translatable by everyone. In this sense, the enigmatic figures, the spectres thrown onto the canvas by Esmaël Bahrani for them to continue to live their own lives, are indicators of what is happening in him as much as what is happening in and around us. Like autonomous forms of life, they create their own worlds, without the reference to a predefined territory being conclusive to approach them sincerely. What matters above all is the moment. It constitutes the powerful vector of the artist's creative process and the foundation of our interpretations.
Esmaël Bahrani moves between territories with great agility. Perhaps he moves, as it were, in worlds to which he alone holds the keys. The Iran of his childhood, or Iran seen from the distance of exile. The echoes of his native country distorted by the media's translation, and those tenuous and fragile echoes passed on by conversations with his relatives who have remained there. Between all these points of life, the position that Esmaël Bahrani chooses is to paint in the present and decisive moment, "action-painting" as he likes to remind us, as if to make us understand that something in his gesture thwarts a certain status quo. It is so much so that it would be almost impossible to link his work to a particular territory, or to a clearly circumscribed state. The way in which he evades any expected narrative invites us to move from the question "where to locate Iran in his work" to "where to locate life in his paintings". The elucidation of the latter perhaps opens the way to freer and more inventive interpretations, without ever losing its political efficacy, because talking about the lives of all humans is a formidable way of placing Iran back into life.
Nada Majdoub, associate curator at Institut du monde arabe, Paris